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Inrap
Échos d'archéos... les tombes franques de Saint-Dizier
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#20ansInrap] Nouvelle série vidéo « Échos d’archéos » où les archéologues de l’Inrap se souviennent de fouilles qu'ils ont menées et qui ont marqué l'histoire de l'Institut.
Premier numéro avec Marie-Cécile Truc qui se souvient de la fouille des tombes franques de Saint-Dizier en FEVRIER 2002*, au moment-même de la création de l'Institut.
Ce que les tombes franques de Saint-Dizier me disent
Dans le courant des années 2000, trois tombes franques ont été découvertes dans le quartier des Crassées à Saint-Dizier en Haute-Marne par l'équipe de Marie-Cécile Truc de l'INRAP. Ces tombes mérovingiennes étaient exceptionnelles à plusieurs égards: d'une part, elles contenaient un mobilier funéraire d'une richesse rare ; d'autres part, elle témoignent de l'importance qu'a eue la région de Saint-Dizier à la fin du Ve siècle et au début du VIe siècle dans le cours de l'expansion des Francs saliens. Dans ce qui suit, je vais tenter de les placer dans leur contexte historique et de faire ressortir un phénomène majeur qu'elles me semblent bien illustrer : la conversion des Francs saliens à la religion catholique.
À quoi ressemblaient ces tombes quand les archéologues les ont découvertes dans la boue champenoise?
À quelques disparités près, les deux tombes étaient analogues : couché sur le dos, le défunt a manifestement été déposé sur le dos au fond d'un cercueil de bois (ou sur un lit funéraire), habillé et équipé de son épée et de ses effets personnels, notamment des bijoux et une aumônière (une grosse bourse portée à la ceinture) au fermoir en forme de têtes de chevaux richement ouvragé. Des lances et un angon (un javelot franc) ainsi qu'une francisque étaient déposés à l'extérieur du cercueil ou du lit funéraire. Au pied du défunt, un coffre contenait les offrandes alimentaires. Un peu de vaisselle de luxe, déposée sur le cercueil, en contenait sans doute aussi. Ces constatations ont amené Laurent Juhel de l'Inrap à proposer la restitution suivante:
L'habitude funéraire de construire des tombes à chambre semble rare aux Ve et au début du VIe siècle chez les Francs. Elle est en tout cas réservée à une élite franque ; nous verrons plus bas ce qu'elle signifie. Étant donné la façon dont ils furent enterrés et le riche mobilier qui les accompagnait, il est clair que les chefs francs de Saint-Dizier devaient être des gens importants.
Sans doute s'agissait-ils aussi d'hommes de confiance du roi des Francs, car à la fin du Ve siècle ou au début du VIe siècle, la région de de Saint-Dizier constituait la frontière sud de l'Austrasie, qu'il fallait garder. L'Austrasie? Il s'agit d'un royaume franc, qui a existé sous une forme ou une autre entre la mort de Clovis en 511 et l'avènement du royaume franc réunifié en 751, donc pendant plus de deux siècles. Voici à peu près le territoire qu'il aurait occupé:
Comme son nom l'indique, l'Austrasie est le royaume des Francs de l'Est, sorti de celui de Clovis, c'est-à-dire de celui des Francs saliens après l'expansion réussie par Clovis.
Si ce royaume joua un rôle important dans l'histoire, c'est parce que la lignée de ses maires du Palais – les Pippinides – fondera l'Empire carolingien.
Ses capitales étaient Reims et Metz ....
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L'Austrasie était bordée à l'Ouest par la Neustrie, le royaume des Francs de l'Ouest et au sud par la Burgondie, que les Francs d'Austrasie ne tardèrent pas à dominer cependant… Ainsi, les haut Francs de Saint-Dizier ont peut-être fait partie du dispositif austrasien visant à surveiller les Burgondes, voire à exercer sur eux la douce pression d'une présence guerrière dangereuse…
La qualité de l'équipement guerrier des défunts mérovingiens de Saint-Dizier soutient cette impression, tout particulièrement la beauté et le luxe de leurs épées. Ces armes, typiques de l'équipement mérovingien, avaient une énorme valeur à cause de l'extraordinaire souplesse et résistance de leurs lames damassées. Toutefois, ce qui frappe à Saint-Dizier, c'est la richesse de leur décoration, de celle de leur fourreaux et fait qu'elles ont aussi été rehaussées de symboles (lire à ce propos l'actualité Trois runes et un anneau d'or dans Pour la science). Or l'un d'entre eux, un anneau d'or ornant le pommeau de l'épée du jeune défunt masculin traduit explicitement la confiance directe du roi, puisque celui-ci n'en donnait qu'à ses compagnons de confiance pour symboliser leur lien unique avec lui.
Ainsi, le jeune Franc enterré sur le site des Crassées devait être l'un des tous premiers féaux du roi d'Austrasie. Ce jeune chef était peut-être encore païen, puisqu'il il est parti vers l'au-delà accompagné non seulement de tout son équipement guerrier, mais aussi de son cheval enterré à quelques mètres de lui… On voit mal en effet, un jeune et riche prince se présenter à cheval aux portes du paradis chrétien, alors que l'on sait bien qu'il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu (Marc 10:25). Alors, à cheval en plus... Quelle qu'ait été sa religion, ce prince mérovingien a été enterré tout près d'un guerrier franc plus âgé (d'une cinquantaine d'années) de sa famille sans doute. Du moins est-ce ce que l'on peut supputer à constater que les deux hommes ont été enterrés avec des aumônières aux fermoirs quasi identiques figurant des têtes de cheval ornée de grenats et de verre sertis dans l'or. Un luxe inouï, quasi royal, au VIe siècle de notre ère!
Par ailleurs, une jeune Franque de haut rang, leur parente sans doute, a été aussi enterrée tout près, et l'un de ses bijoux – une bague d'or – évoque le même fournisseur, même si les pierres qui y étaient serties ont disparu :
Le mobilier funéraire trouvé dans la tombe féminine de Saint-Dizier fouillée en 2002. * (C: C. Philippot, musée de Saint-Dizier)
La forme de cette bague fascine : elle montre une croix byzantine! Ce détail, rapproché des rites présumés (par moi) païens de l'enterrement des guerriers de la même famille me semble suggérer qu'en ce début de VIe siècle, tandis qu'une jeune aristocrate mérovingienne affichait déjà sa religion par des signes ostentatoires, les guerriers de sa propre famille continuaient à se faire enterrer à l'ancienne, doté de tout un équipement pour l'au-delà, y compris un cheval et des armes. Cette façon de faire se retrouve aussi cependant dans la tombe féminine, puisque la jeune Franque aussi est aussi partie avec un mobilier funéraire conséquent.
Nous voyons que la fouille de ces trois tombes franques a saisi des Mérovingiens d'élite au moment où, soit ils venaient de devenir chrétiens, soit au moment où ils étaient en train de le devenir. En effet, tandis que les rites funéraires pratiqués par ceux qui ont inhumé ces Francs traduisaient encore une mentalité barbare (on part pour l'au-delà accompagné d'un équipement et même de son cheval), la femme au moins était déjà chrétienne ou du moins s'affichait comme telle. Personnellement, le fait que l'identité chrétienne soit affichée chez cette femme de haut rang me donne la sensation familière que la manifestation ostentatoire d'une idéologie identitaire (la religion catholique ici) est plutôt une affaire féminine. Les hommes, pour leur part, s'agissant de religion en tout cas, restent plus souvent quelque peu en retrait ou en retard (encore païens?).
Cette sorte de «photographie idéologique» des Mérovingiens de la fin du Ve siècle et du début du VIe siècle est rendue encore plus intéressante par la découverte en 2015 sur le site des Crassées, d'une autre tombe de chef. On peine à la situer dans le temps par rapport aux autres, mais je gage qu'elle est postérieure, car elle a été placée à quelque distance et réemployée pour y enterrer en plus un personnage important manifestement chrétien. À cette occasion, les os du chef initialement inhumés dans cette tombe à chambre ont été poussés sans ménagement sur le côté, tandis que, sans doute, les objets de valeurs contenus dans la tombe étaient récupérés (à moins qu'ils n'aient été pillés à une autre occasion). Le second personnage enterré dans cette tombe à chambre était manifestement chrétien, puisqu'une chapelle funéraire a été ensuite érigée au-dessus de la tombe. Ainsi, une fois de plus, les archéologues ont constaté que les Mérovingiens les plus anciens de Saint-Dizier, tenaient à se faire enterrer dans une tombe à chambre. Il ne s'agit pas là d'un rite funéraire germanique, mais plutôt d'une habitude (gallo-)romaine.
Comment expliquer ce mélange de rites païens (les offrandes d'accompagnement, y compris par un cheval) et romaine? Les rites païens des tombes de Saint-Dizier se retrouvent par exemple dans la tombe de Childéric 1ier, le roi des Francs saliens, alors qu'ils étaient encore tous païens. Comme les aristocrates de Saint-Dizier, Childéric fut enterré avec ses armes (épée, francisque, scramasaxe,...), mais aussi avec… son manteau de général romain. Childéric était en effet le gouverneur de la province de Belgique seconde appointé par les Romains, et il y a fort à parier que son fils Clovis, se voyait aussi – entre autres – comme un général de l'Empire romain (alors dirigé depuis Constantinople, car l'Italie était ostrogothe).
Or, dans notre «roman national», Clovis est celui qui a «christianisé» les barbares francs (plutôt donné le signal de leur conversion pour raisons politiques selon moi) en se convertissant au catholicisme sous l'influence très romancée de la pieuse Clothilde, princesse burgonde déjà catholique. Rappelons qu'il est mort en 511, trois ans après avoir reçu de l'empereur romain d'Orient Anastase Iier les « tablettes consulaires ».
Nous voyons qu'à Saint-Dizier, les rites funéraires de tombes mérovingiennes qui semblent dater de la fin du Ve siècle ou du début du VIe siècle, ont été créées en pratiquant des rites païens et romains… À Saint-Dizier, les archéologues nous ont donc offert le spectacle de ce qui se passait dans la haute aristocratie franque peu après la mort de Clovis, ce nouveau catholique honoré par les Romains : on restait largement païen dans ses pratiques funéraires, devenait chrétien (ce que l'on affichait sur ses femmes de famille) et l'on se vivait aussi comme un membre de l'élite (gallo-)romaine… En d'autre termes, on disait par la manière de sa tombe : «je suis un Franc salien d'élite, donc assimilable à un haut Romain, encore païen ou tout juste chrétien, donc, notez le ô Gallo-Romains dominés, à la page politiquement.»
Ce passage politique de l'élite franque à la forme de christianisme qui était celle de la majorité des Gallo-romains (et de leurs élites) fut une importante étape vers la stabilisation de l'emprise franque sur les Gaules. Désormais, il s'agissait dans l'élite d'être chrétien pour compter et les guerriers de culture païenne de Saint-Dizier l'avait saisi et suivaient le mouvement, ou du moins le faisait déjà suivre par les femmes de leur famille…
Si après eux, un personnage cette fois très chrétien a été enterré dans une tombe de leur groupe, sans doute est-ce parce que 1/ la tombe était encore présente et identifiée dans le paysage. 2/ il faisait peut-être partie de leur famille. 3/ en devenant chrétienne au moment où il le fallait, la famille avait réussi à s'installer en haut de la société gallo-franque, de sorte que le jour où l'on décida de réemployer l'une de ses prestigieuses tombes à chambre, c'est un haut personnage chrétien qu'il s'est agi d'inhumer.
D'où la chapelle qui couronna sa tombe.
Qui pouvait être important dans la société médiévale carolingienne en train de se créer? L'évêque. Un abbé. Un haut guerrier devenu moine sur le tard… Saint-Dizier? D'après le roman national de la Haute-Marne, Saint-Dizier a été fondée après que les rescapés de la destruction d'Andemantunnum (Langres, la capitale des Lingons) ont rapporté la dépouille de leur évêque: Dizier, à qui ils ont élevé un sanctuaire. Hummm, et si Saint-Dizier avait été membre d'une famille mérovingienne oubliée mais importante, sur qui on aurait plaqué ce mythe? Et si? Et si,si,si? Avec des si, on pourrait mettre Saint-Dizier en bouteille, aurait dit Sainte Germaine, ma mère...
Puisque j'ai écrit tous ces si, je me permets carrément de vous écrire un film, enfin un roman, mais mérovingien, pas national:
----------------------------début du roman mérovingien de Saint-Dizier
-À l'orée du VIe siècle, un père, compagnon de Clovis, et son fils, compagnon de Thierry, eurent la douleur de voir mourir leur noble sœur et fille chérie, qu'ils portèrent en terre ornée de tous ses atours et d'une bague attestant de l'adoption de la seule vraie foi par leur famille…
-Hélas, il la serrèrent trop souvent dans leurs bras au moment des adieux définitifs et contractèrent sa maladie contagieuse. C'est pourquoi, il la suivirent peu après dans la boue champenoise (comme les Poilus, nos pères). Sous les yeux de leur petit fils, un oncle les porta en terre et reprit la direction du domaine et des affaires de la famille.
-Une génération plus tard, les Pépinnides avaient pris le dessus dans l'Empire franc et Saint-Dizier perdu son importance (la zone frontalière, pas le saint). L'oncle fut porté en terre, puis son neveu, le petit fils, qui était devenu le premier évêque de ce qui allait devenir Saint-Dizier. Malheureusement pour lui, il dut quitter cette vallée de larmes (même si la région de Saint-Dizier est plutôt plate) avant que sa cathédrale ne puisse être enfin construite.
-C'est la raison pour laquelle, on préféra l'inhumer dans la terre de sa famille : un domaine faisant suite à une villa gallo-romaine qui n'étaient pas encore les Crassées.
-En trois générations, on était passé du sombre âge païen (barbare, mais romain) à l'Âge Moyen très catholique (médiéval plutôt que barbare ou romain).
----------------------------fin du roman mérovingien de Saint-Dizier
Voilà ce qu'entre autres choses, le sol des Crassées me dit par l'intermédiaire des découvertes archéologiques spectaculaires faites par l'équipe de Marie-Cécile Truc. Les habitants de la région ont en tout cas bien compris leur importance, puisqu'ils ont associé leurs forces pour créer une superbe exposition afin de faire comprendre qui étaient les Mérovingiens du VIe siècle, du moins les Austrasiens. Elle s'intitule :
Austrasie, le Royaume mérovingien oublié
https://scilogs.fr/bafouilles-archeologiques/tombes-franques-de-saint-dizier-me-disent/
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LE WEBMASTER :
POUR RAPPEL :
* NANCY ET TOUL aussi !!!!! voir ici :
https://unioncosmiqueen5d.forumactif.com/t5-la-vierge-marie-a-bouxieres-aux-dames-au-nord-de-nancy-en-lorraine-berceau-carolingiens-capetiens-apres-le-frankenbourg* C'est en JUILLET 2002 QUE JE ME SUIS RENDU AU FRANKENBOUURG A L'APPEL DE CLOVIS depuis mohn habitation de SETE à ce moment ! J'en ai eu les signes...
L'EXPOSITION DE CES FOUILLES SE FIT EN 2008 ET 2009 A ST DIZIER... ANNEE OU JE CONSTRUISI CE SUJET SUR CE SITE !
Sujet: SI IMPORTANTES APPARITIONS MARIALES AU FRANKENBOURG ! - ALSACE - 1872.1877 Mar 3 Mar 2009 - 14:33
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